Chaque jour, des plongeurs de plus en plus nombreux mutualisent leurs efforts pour protéger nos océans. Bien que ce soit une excellente nouvelle, toutes les actions sont-elles toujours aussi utiles qu’on nous le laisse croire ?
Il y a un type d’actions en particulier qui a retenu mon attention sur les médias sociaux : les programmes de restauration corallienne. Des associations environnementales, des centres de plongée sous-marine ou des agences spécialisées en écotourisme proposent désormais de participer à leur programme de protection des récifs coralliens ou de recevoir une formation sur les techniques de propagation des coraux. Mais la transplantation de coraux est-elle la solution ultime qui pourra sauver l’écosystème le plus riche de la planète des menaces dues à la pollution, aux changements climatiques ou à la surpêche ?
Pour aller au-delà de ces belles images de jardiniers sous-marins, j’ai profité du salon de la plongée 2020 à Paris pour m’entretenir avec Martin Colognoli, le co-fondateur et directeur de Coral Guardian, pour mieux comprendre ce qui est vraiment en jeu.
« Nous apprenons à fragmenter et à transplanter, mais ce n’est pas suffisant. »
Martin Colognoli est un biologiste marin français de 34 ans. Après des études d’aquaculture et d’écologie marine à Montpellier, dans le sud de la France, il a travaillé avec des aquariums publics où il a appris à cultiver des coraux. Il a ensuite rejoint une entreprise d’import/export d’espèces marines qui l’a emmené travailler en Indonésie. L’exportation d’espèces sauvages de poissons tropicaux et de coraux pour des aquariums publics ou privés l’a choqué et il a dû quitter ses fonctions après seulement un an. Cependant, cette expérience lui a apporté la maîtrise de la culture des coraux en milieu naturel et c’est ainsi qu’est née l’idée de Coral Guardian.
Le projet Coral Guardian n’a pas été un succès du jour au lendemain. Créée il y a huit ans, après deux projets en Indonésie, à Bali et Gili Trawangan, l’équipe de Coral Guardian a essuyé plusieurs échecs avant de comprendre les facteurs clés d’un programme de restauration corallienne. Tout d’abord, des conditions environnementales optimales, à l’abri de toute pollution, sont nécessaires. Mais la clé était, avant tout, de travailler avec les pêcheurs locaux.
« Impliquer la communauté qui dépend directement de l’écosystème qu’elle protège ».
Lorsque les pêcheurs comprennent comment un récif en bonne santé peut améliorer considérablement leur moyen de subsistance, ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour que cela fonctionne. C’est ce qui s’est passé à Labuan Bajo, près du parc national de Komodo.
En 5 ans, le succès du troisième projet de Coral Guardian se mesure non seulement grâce à la surface totale des coraux restaurés (500 m²) mais surtout, au retour de la biodiversité ; 4 à 5 fois plus d’espèces marines, et le nombre total de poissons ; une croissance impressionnante de plus de 1 000 %.
« Un outil qui accélère la prise de conscience. »
Comme beaucoup, j’ai peut-être un peu rêvé en pensant que les programmes de restauration étaient la solution pour protéger nos sites de plongée préférés. Si ces programmes peuvent être en effet une partie de la solution, ils ne constituent pas le moyen ultime pour restaurer tous les récifs endommagés sur Terre.
Martin Colognoli concède que les aires marines protégées, et en particulier les LMMA (Locally Managed Marine Areas – Aires Marines Gérées Localement) est le meilleur moyen de protéger nos récifs, et il reconnaît qu’il faut du temps pour voir les premiers résultats : un minimum de 5 à 10 ans.
Les programmes de restauration des coraux présentent des résultats extraordinaires en seulement 1 à 2 ans sur des récifs endommagés par l’activité humaine ou les changements climatiques. En revanche, Le but ultime de Coral Guardian n’est pas de régénérer de cette façon les millions d’hectares de récifs qui ont malheureusement été perdus mais de convaincre les pêcheurs traditionnels que protéger les récifs leur permettra d’assurer un avenir meilleur à leurs familles.
En 2020, Coral Guardian renforcera le rôle du projet de Labuan Bajo en tant que centre de formation dans la région d’Asie du Sud-Est. Entre-temps, ils lanceront deux nouveaux projets dans les Caraïbes et en Europe pour contribuer à diffuser leur savoir-faire tout en tenant compte des cultures locales de la pêche.
« Soyez curieux. »
Il se peut que vous vous demandiez que faire en tant que plongeur passionné pour apporter son aide ? Martin Colognoli recommande de se renseigner sur Internet au sujet des destinations où nous voyageons. Faites-vous une première idée des conditions de vie sur place et des défis auxquels la communauté locale est confrontée. Ce faisant, il se pourrait que vous découvriez des associations que vous pourriez ainsi décider de rencontrer et de soutenir.
Coral Guardian propose son propre programme « Adopte un corail » pour financer leurs actions, mais ils veulent aussi être une ressource pour les petits projets qui manquent de visibilité et de ressources financières. Si en voyageant vers une destination de plongée sous-marine vous tombez sur un petit projet de protection des coraux que vous aimez, n’hésitez pas à leur parler de Coral Guardian. Les associations locales peuvent postuler pour recevoir un soutien financier, une formation et un suivi scientifique pendant trois ans pour les aider à devenir autonome grâce au modèle de l’écotourisme.
Biographie de l’auteur
Florine est Divemaster PADI et blogueuse de voyages de plongée sur le site World Adventure Divers. Elle adore plonger dans toutes les conditions, que la température d’eau soit tropicale ou glaciale, en sélectionnant ses destinations lorsque plongées hors du commun et découvertes culturelles font partie du voyage. Sur son blog, elle explique comment plonger et voyager sans se ruiner.